Compagnie La RumeurJe bois ... Les vertiges de Boris Vian

MUSIQUE | Spectacle musical

« Colin se leva et ouvrit le petit panneau mobile en faisant la manoeuvre, et ils prirent les deux verres remplis d’un liquide avec des irisations d’arc-en-ciel. L’antiquaire but le premier en clappant sa langue.
C’est exactement le goût du blues, dit-il. De ce blues-là même. C’est fort, votre invention, vous savez !… »

En 1946, Boris Vian écrit L’Écume des jours dans lequel il invente, dans un univers loufoque, une machine étonnante, le Pianocktail ; piano dont chaque note est reliée à une liqueur, un alcool ou un aromate et qui crée un cocktail unique à chaque morceau joué.
Près de 70 ans plus tard, l’esprit tout aussi farfelu de la Cie La Rumeur concrétise le Pianocktail, transformant l’objet littéraire en instrument réel. C’est donc un véritable piano relié à un ingénieux système de buses et de bouteilles qui permet de servir au son d’un répertoire lyrique des cocktails originaux à un public déjà conquis depuis quelques années.

Aujourd’hui, le Pianocktail de La Rumeur se fait une nouvelle beauté et va enfin retrouver son inventeur littéraire dans ce spectacle musical où deux interprètes/comédiens/musiciens jouent avec délice des mots de Vian, mais aussi d’autres auteurs, tel que Serge Gainsbourg, Duke Elligton ou Louis Armstrong.
Mêlant à la fois des épisodes biographiques de la vie de Vian, des extraits de L’Ecume des jours, des chansons bien sûr, mais aussi des rêveries et des interrogations vertigineuses, ce spectacle -à la fois touchant et burlesque, comme l’est l’écriture de Boris Vian - permettra aux spectateurs d’entrer dans un monde à part entière, où poésie, drôlerie et bons mots seront maîtres rois.

Dans « Je Bois », pour pouvoir goûter aux nectars musicaux, il faudra prendre le temps de (re)découvrir Boris Vian, apprendre un peu de son histoire et surtout se laisser porter dans les volutes troubles de l’imaginaire. Un voyage extatique, entre douceur moite, rire sincère et noirceur ironique.
Car s’il a su créer des univers drôles, étonnants et burlesques - tant dans ses romans que dans ses chansons - Vian est également emprunt d’une gravité profonde : ses problèmes de santé dès son plus jeune âge l’ont toujours douloureusement rattaché à la réalité physique de son corps et de la mortalité de l’être humain. Son génie a consisté à sublimer cela pour en faire encore et toujours de la poésie à l’état pur, et c’est de cette force-là que la Cie La Rumeur veut s’inspirer pour redonner à son Pianocktail ce subtil mélange d’étrangeté et de vitalité.

« Colin s’était assis par terre pour écouter, adossé au pianocktail, et il pleurait de grosses larmes elliptiques et souples qui roulaient sur ses vêtements et filaient dans la poussière. La musique passait à travers lui et ressortait filtrée, et l’air qui ressortait de lui ressemblait beaucoup plus à Chloé qu’au Blues du Vagabond (…) Colin, heureux jusqu’au fond de l’âme, restait assis là, et c’était comme quand Chloé n’était pas malade. »